Éditorial
La confiance, condition du développement et de la sécurité
Lorsque vous lirez cet éditorial, j'aurai cessé d'avoir la responsabilité de Préventique pour occuper à nouveau, 20 ans après, la fonction de rédacteur en chef. Peut-être est-ce pour cela que le mot confiance s'est en ce mois de janvier, naturellement imposé comme fil rouge de mes pensées. Le mot vient du verbe confier dans le sens où, ayant remis quelque chose de précieux à quelqu'un, on se fie à lui car on croit en sa bonne foi. Depuis quelques années, il est repris sans cesse par les différents responsables des politiques publiques, sans doute parce que leur crédibilité est orientée à la baisse.
Dans un rapport au Premier ministre1, fortement remarqué, Louis Gallois évoque la nécessité de lier confiance et compétitivité; le mot revient à 14 reprises. Mais la confiance ne se décrète pas, elle se conquiert. La compétitivité serait ce qui manque le plus à notre économie et en particulier à l'industrie qui subit un «véritable décrochage» par rapport à plusieurs pays européens. Bien que notre pays dispose de nombreux atouts, les dirigeants s'engagent avec beaucoup de précaution dans l'aventure des investissements. Pourquoi? Parce qu'ils manquent de confiance dans l'avenir en raison de la surréglementation endémique sur tous les sujets, qui est source d'instabilité et d'insécurité. Il est évident que toute décision d'investissement appelle un minimum de visibilité sur les conditions du lendemain. En ce domaine, l'inaction est alors vue comme la condition de la sécurité. La culture de défiance du principe de précaution, généralement dénoncée par les dirigeants dans d'autres domaines, est insidieusement devenue dominante dans la vie économique.
Tout étant en tout, les intérêts sont enchâssés, comme l'a dit Michela Marzano dans son article, «Le pari de la confiance». Celui de l'État est que les entreprises créent de la croissance, des emplois, de bonnes conditions de travail, du développement durable, celui des entreprises que l'État leur délivre les meilleures conditions de leur développement par un climat social volontariste et responsable. Le pacte qu'évoquent successivement Louis Gallois (de confiance) et le Président de la République (de responsabilité) est une démarche qui ne peut qu'être approuvée, car elle évoque le contrat plutôt que le règlement. Et nous savons que si le contrat engage, le règlement oblige. Ici confiance, là suspicion.
Le modèle règlementaire qui depuis si longtemps anime les politiques publiques est donc en cause. Il est indispensable d'en maîtriser l'inflation permanente si l'on veut, dans tous les domaines de la vie économique et sociale, animer la flamme de la confiance indispensable à notre aventure collective. On n'a cependant jamais évalué les impacts psychologiques et moraux des dispositifs réglementaires éléphantesques que nous créons sans cesse. Désormais, c'est devenu indispensable, car les déficits sont patents et connus de tous.
Si l'on en vient aux sujets particuliers de la prévention, il nous semble urgent d'alléger nombre de prescriptions dont on sait par ailleurs qu'elles ne peuvent plus être appliquées, tant leur nombre et leurs contradictions de logiques les rendent difficiles à mettre en œuvre. Une illustration exemplaire devrait aujourd'hui être particulièrement méditée. C'est celle de la santé au travail. Après une réforme récente ouvrant sur de nouveaux objectifs, une évaluation de la compatibilité des règles anciennes s'imposait. Hier les objectifs individuels primaient, avec la surveillance médicale et l'aptitude, aujourd'hui on attend des objectifs collectifs visant les situations de travail. Toutefois, le nombre des médecins étant en forte réduction régulière, ces derniers ont du mal à affronter ces nouveaux défis. Mais l'évaluation de l'ensemble n'étant pas venue, les praticiens sont dans le brouillard. Des conflits apparaissent là où il ne devrait y avoir que coopérations confiantes. La confiance est aussi la condition du développement et de la sécurité.
1. Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, 5 novembre 2013, Commissariat général à l'investissement.